"Avec talent et beauté" (Le Matin Dimanche)

6 septembre 2009

Serge Molla consacre sa chronique du Matin Dimanche à "Calvin World". Voici ce qu'il dit dans cet article original et pertinent, intitulé "Des Calvin bien vivants":

"Toutes et tous ont un unique point commun: leur patronyme ou leur prénom est Calvin. Et cela, qu’ils vivent à New York, Paris, Rio de Janeiro, Singapour ou Yaoundé, et quel que soit leur âge, leur profession ou même leurs convictions. Le photographe Nicolas Righetti et le journaliste Pierre Grosjean ont rencontré un Calvin bien vivant aux quatre coins de la planète, ce qu’atteste avec talent et beauté «Calvin World» (aux Ed. Labor et Fides), leur étonnante collection de portraits récemment publiée. Ils sont ainsi partis en quête d’hommes et de femmes reliés au réformateur par ce nom ou ce prénom, peut-être difficile à porter (car synonyme d’austérité et de rigueur) avant qu’il ne s’associe à une bande dessinée ou à une ligne de vêtements. Mais ces Calvin inattendus connaissent-ils le célèbre juriste devenu réformateur? Et leurs parents, pourquoi ont-ils choisi de les prénommer ainsi?

A l’heure où chacun veut opérer ses propres choix, où l’individu passe bien avant la société, les noms et prénoms sont l’exception qui déroge à cette règle, puisque l’un et l’autre, habituellement, se reçoivent. Ils renvoient, bien sûr, souvent à une histoire qui les précède. Des transmissions s’opèrent, le prénom d’un aïeul, un second patronyme… Ils sont donc rares ceux qui ont décidé pour eux-mêmes ou alors c’est pour marquer un changement radical. Malcolm Little devient Malcolm X pour attester sa volonté de rupture avec un passé d’esclavage, le pianiste Dollar Brand opte pour Abdullah Ibrahim après sa conversion à l’islam, telle femme devient sœur Marie-Samuelle pour signifier son entrée au convent et tel cardinal inscrit par son nouveau prénom la continuité qu’il compte instaurer durant son pontificat.

Aujourd’hui, les Calvin sont probablement quelques centaines de par le monde. A leur manière, ils rappellent le caractère unique de toute existence et le fait que personne n’est une île. Leur nom ne fait pas d’eux immédiatement des personnages d’exception, mais peut-être le deviendront-ils. A l’instar de cet enfant noir, tout d’abord prénommé Michael et qui, suite à une visite de son père en Allemagne, doit en changer pour devenir Martin Luther. Et ce King-là va marquer profondément l’histoire des Etats-Unis. Comme quoi, c’est peut-être à chacun de faire de son prénom celui d’un réformateur, d’un créateur ou celui d’un ouvrier de paix, pour qu’en le prononçant on ne regarde pas seulement en arrière, mais pour qu’il ouvre l’existence de nombreux."